chris64 a écrit :si j'ai bien compris le fait de comprimer davantage les ressorts des soupapes augmente la pression sur les injecteurs; cette "modif " a été faite soit pour palier un manque de montée en pression du circuit gazol ou à une défaillance des injecteurs ou encore une carto complètement bidon.
Ce n'est pas ce que j'ai voulu dire.
Je vais une nouvelle fois digresser, en espérant que tu t'éclates autant à lire que moi à écrire...
Le plus simple est de revenir aux fondements de tous ces systèmes.
Le but de la manip est, pour une cylindrée donnée, d'exercer sur le piston une pression la plus élevée possible,
et ce pendant le plus longtemps possible, afin de produire le plus de travail possible.
Pour illustrer, je vais faire un rapide détour par les moteurs à vapeur ayant équipé les locomotives françaises.
Perso, j'ai un faible pour les machines « compound » comme on disait à l'époque. Le principe consistait à faire travailler (détendre) la vapeur dans deux étages de cylindres (il y a eu jusqu'à 4 étages sur certains moteurs marins) dont le diamètre allait croissant. Le système bielle/manivelle transmettant le travail aux roues était phasé de telle sorte qu'il existait toujours un couple de roues bénéficiant de l'effet bielle/manivelle maximum au démarrage.
C'est comme quand tu démarres un vélo : tu vas mettre une des pédales à l'horizontale, car si tu pousses sur la pédale alors qu'elle est verticale, tu vas avoir l'air d'un c... et il ne va rien se passer, à part que tu vas te prendre un billet de par terre vite fait!
Ce qui m'impressionne le plus, c'est la remarquable aptitude qu'avaient à ces moteurs à démarrer en charge. Certes, il fallait savoir chauffer la bête, mais disposer d'un personnel hautement qualifié, ça peut aussi être un choix de société (au sens large du terme).
J'ajoute qu'un moteur thermique classique a besoin d'un embrayage, d'une boîte de vitesses, bref d'un tas de périphériques à la Dubout dont le but en est réalité de compenser ses piètres performances, notamment à bas régime.
Tu auras compris que ce qui se passe actuellement autour de l'automobile relève, de mon point de vue, de l’acharnement thérapeutique (le recours massif à l'électronique me semble en être une des manifestations la plus évidentes) et non de choix de société et industriels audacieux.
Bref.
Si produire de la vapeur à pression et débit stables est relativement simple, produire une pression la plus efficace possible dans un moteur thermique est une toute autre paire de manches.
Si on s'intéresse au cas des Diesel, l'art des concepteurs des systèmes d'injection est d'essayer de reproduire le fonctionnement des moteurs à vapeur : une détente des gaz sous pression, qui se prolonge le plus longtemps possible afin de bénéficier de l'effet bielle/manivelle maximal.
Sans rentrer dans des détails complexes, les paramètres sur lesquels ils peuvent agir sont grosso-modo les suivants :
- le début d'injection ;
la durée de l'injection ;
la qualité de l'injection, qui passe évidemment par la finesse de pulvérisation.
Évidemment, tout est lié.
Contrairement à une idée très répandue, les injecteurs pompe ne sont pas une nouveauté : privilège de l'âge, je connaissais nombre d'engins de TP qui en étaient équipés bien avant l'avènement des puces savantes (certains moteurs Deutz, de mémoire, et aussi des moteurs US équipés en Cummins, du PT, je crois).
Car que demandions-nous à notre parc matériel? De la robustesse et du rendement. Et la solution injecteurs pompe était une excellente réponse, notamment parce qu'ils supprimaient les canalisations haute pression.
Car ces injecteurs, à l'époque où les pompes en ligne et les premières pompes rotatives crachaient au mieux 300 bars, planaient déjà à 1 800 bars (de mémoire, car ça commence sérieusement à dater...
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) et étaient alimentés en basse pression (pour les Cummins, aucun doute, car je me souviens bien de ce que m'avaient expliqué les mécanos) comme les injecteurs pompe contemporains. Il en résultait un rendement assez fabuleux et, déjà, une réduction significative du fameux panache noir qui accompagnait la montée en charge des gros moteurs.
Le système de gestion du début/fin d'injection était d'une simplicité enfantine : un simple usinage hélicoïdal sur le piston, une commande de ce piston par une crémaillère reliée à l'accélérateur et le tour était joué.
La figure suivante, qui illustre ce principe, mais appliqué à une pompe en ligne Bosch de taille A et B, permet de visualiser le détail du fonctionnement :
Pour des raisons de simplicité, la figure présente un système à début d'injection fixe, la charge du moteur étant pilotée par la fin d'injection. Mais le même principe était appliqué au début d'injection sur les montages qui permettaient de moduler le début et la fin d'injection.
La variation de l'avance à l'injection était un peu plus compliquée et ses fonctionnalités très limitées (les pompes rotatives VA et VE pour Bosch, DPA et DPC pour CAV/ROTO étaient beaucoup performantes de ce point de vue), mais la pression d'injection était telle sur les injecteurs pompe que cette solution restait tout-à-fait pertinente. Du moins pour les moteurs fonctionnant à charge et régime assez constants (groupes électrogènes, certaines pelles...).
Bosch et VW (et donc Land Rover) ont repris ce principe et l'ont adapté aux véhicules automobiles, dont le confort d'utilisation nécessite une plus grande finesse de gestion.
Nouvelle parenthèse : je trouve le choix de Land Rover pour son Td5 particulièrement judicieux. Même principe que d'hab pour les Bristish à l'ovale vert : aussi peu de pièces et de fonctions que possible, autant de pièces et de fonctions que nécessaire. Comme sur les pompes DPC des moteurs D et Turbo D et les VE Bosch des 200 et 300 Tdi : pas de gestion de l'avance à froid (sans parler de la gestion manuelle du préchauffage pour les D et Turbo D), pas de ralenti accéléré.
Pas franchement indispensable, à part pour réduire les fumées. D'où la réputation de cracheurs de fumée de nos engins, mais à mes yeux, autant de bidules qui, sans constituer un risque de panne grave, peuvent prendre la tête de temps en temps...
Mieux vaut apprendre à faire sans, non?
Pour le Td5, pas de pompe haute pression (ça aime pas trop l'eau, ces machins-là), de rampe (ça fuit), de capteur de pression de rampe (ça yoyote parfois), de modulateur de pression de rampe (pas toujours d'une fiabilité exemplaire). En d'autres termes, la confortable avance en termes de pollution et de rendement conférée par une pression d'injection encore inégalée à l'époque permettait de se dispenser d'un tas de conneries ne faisant pas vraiment avancer le Schmilblic...
Comme il y a trente ans, en somme.
Ce qui produit la haute pression, c'est la montée du piston. Et ce qui fait monter le piston, c'est la came.
Une came est un objet complexe ; elle se caractérise par :
- sa rampe (phase de réponse en montée) ;
sa pente (phase de réponse en descente) ;
les phases d'accélération en montée comme en descente ;
les longueurs des différentes phases.
Tout cela étant synchronisé avec le moteur lui-même.
L'asservissement électronique est très simple aussi : le calculateur commande une électrovanne reliant la chambre de pression au retour réservoir qui :
- autorise la montée en pression lorsqu'elle se ferme, c'est le début d'injection (au temps de compression du gas oil près) ;
fait instantanément baisser la pression lorsqu'elle s'ouvre, c'est la fin d'injection.
Supposons que tu veuilles gaver ton moteur pour lui donner plus de pêche. Tu peux jouer sur plusieurs paramètres :
- 1°) le début d'injection. Oui, mais tu ne peux pas augmenter l'avance à l'injection indéfiniment car la combustion va être trop violente (apparitions d'un cognement caractéristique) ;
2°) la fin de l'injection. Oui, mais la fin de l'injection sera trop tardive, et son effet sur le piston sera faible, sans parler des fumées et de la consommation ;
3°) la quantité de gas oil injecté. Oui, mais tu es tenu par le profil de came ; en d'autres termes, ton piston ne va pas monter assez vite durant le laps de temps séparant le début et la fin d'injection.
Tu auras compris que les manips 1 et 2 se font en trafiquant le calculateur. La carto n'est pas bidon, elle est modifiée pour aller gratter des micro-secondes durant lesquels on peut refiler un max de gas oil au moteur.
La 3 nécessite de trafiquer la mécanique, autrement dit de tripoter le profil de came. C'est à cela que renvoyait la notion de couplage que j'ai évoquée l'autre fois.
Pour répondre à ta question, la pression d'injection reste mécaniquement limitée par le tarage du ressort d'injecteur : à 2 000 bars, l'aiguille se lève et l'injection débute. Donc, non, bricoler la came ne changera pas la pression d'injection. Formulé autrement, si tu donnes à ton profil de came une accélération plus marquée dès les premiers dixièmes de millimètres de course au plongeur (piston) la quantité injectée durant un temps donné va augmenter. Je ne connais pas le profil exact des cames, mais je subodore qu'en modifiant le réglage du plongeur, tu peux gratter des pouillièmes sur le profil de came, donc gaver un peu plus le moteur. Le reste s'obtient en trafiquant les algos.
La solution la plus propre serait de modifier la loi d'injection en retaillant une nouvelle came ; seulement là, c'est plus chaud, car il faut vérifier la tenue mécanique et thermique du moteur (refroidissement des pistons, des nez d'injecteurs, de la culasse, charge sur l'équipage mobile...). Bref, il faut tout recalculer, faire tailler un arbre à cames et ça, c'est un boulot...
Dernier point, la pré-injection (je constate que personne ne m'a éclairé sur ce point
![Mr. Green :mrgreen:](./images/smilies/icon_mrgreen.gif)
...). En changeant l'accélération du mouvement à la montée du piston, tu romps l'équilibre hydraulique d'origine au sein de l'injecteur qui, en jouant sur les subtilités héritées du temps de l'injection mécanique (pression, contre-pression, tarage hyper fin des ressorts, fuites calibrées, bref ce qui fait le charme d'un tiroir liquide bien conçu) permettait de passer une cote mal taillée pas trop déconnante entre les différents modes de fonctionnement du moteur.
Mais si ta pré-injection dérive trop à cause d'une montée en pression plus rapide, c'est cognements et échauffements garantis.
C'est donc la modification des régimes thermique et mécanique de fonctionnement du moteur qui résulte de ces bidouillages qui a pu provoquer des dégâts sur les injecteurs et le moteur.
D'où ma question de l'autre jour : as-tu bien récupéré la carto d'origine et le profil de came initial? C'est seulement ensuite qu'il faudra passer au relevé des éventuels dégâts.
chris64 a écrit :Bref le réglage n'a pas été fait au hasard, il y avait le même nombre de tours de vis en trop sur chaque cylindre
Ça semble assez évident, en effet.