Pierre,
ne te prends pas la tête avec le calage du moteur : tu branches la sonde sur le fil HT alimentant le cylindre n°1 et tu démarres.
Le pire qui puisse arriver est que le repère mobile (donc celui de la poulie) pointe avec un décalage de 90, 180 ou 270 ° par rapport au repère fixe. Si ça arrive, il te suffit de brancher la sonde sur un autre fil jusqu’à ce que les deux repères pointent l’un en face de l’autre…
Concernant le pointage de la lampe, considère-la comme une simple lampe de poche te permettant d’éclairer un détail.
Par contre, il faut avoir en tête que l’effet stroboscopique peut être trompeur : toutes les pièces tournantes semblent immobiles, y compris les pales du ventilo, l’alternateur, etc. En d’autres termes, le risque de se faire piéger est bien réel.
Maintenant, quelques remarques sur les pétards stroboscopiques.
Contrairement aux outils traditionnels du mécanicien — genre la clef de 13 — que l’on « sent » généralement assez bien dès le premier usage, les stroboscopes font partie de cette gamme d’outils un peu plus avancés nécessitant, pour être réellement pertinents, des connaissances elles aussi un peu plus avancées.
Comme je l’ai indiqué précédemment, ils comportent un circuit électronique pilotant une lampe émettant un éclat dès qu’une tension est détectée dans le fil de bougie. Vue d’avion, l'affaire paraît simple.
Il est utile d’y regarder de plus près.
Au régime de ralenti de 850 t/mn, le moteur va effectuer un peu plus de 14 tours par seconde. Formulé autrement, il va mettre un peu plus de 70 ms (70 millièmes de seconde) à effectuer un tour.
S’agissant d’un moteur 4 temps, chaque cylindre sera allumé un tour sur deux ; en d’autres termes, une étincelle va jaillir toutes les 140 ms environ.
Un tour représentant 360 °, deux tours en représentent 720 : un degré à la poulie de vilebrequin va être donc parcouru en … 196 µs (196 millionièmes de seconde).
Vu sous cet angle, le décor change quelque peu : si le stroboscope est équipé d’une électronique bas de gamme, on sera à la ramasse quant à la position effective du repère mobile par rapport au repère fixe. En effet, si la loupiote à éclats met « des plombes » à être allumée par son électronique de commande, le repère mobile va être en retard de « quelque chose » par rapport à la position théorique qu'il devrait occuper face au repère fixe. Ce quelque chose peut aller de quelques millièmes de degrés (et là tout va bien, car on ne verra même pas l’erreur, qui sera donc sans conséquences) à une « petite poignée de degrés » et là, on va avoir tendance à considérer, mais à tort cette fois, que le moteur n’a pas assez d’avance.
Les pétards à déphaseur sont, par définition, beaucoup plus précis — et donc plus chers — que les pétards de base. En effet, la fonction « déphasage » a essentiellement pour objet de vérifier que la courbe d’avance se développe normalement en fonction du régime moteur.
Le principe de la mesure est simple : tu choisis un déphasage (mettons 10 °) au pétard et tu mets le moteur au régime où ce déphasage — qui s’ajoute donc à l’avance initiale — doit être observé, ce qui nécessite de connaître la courbe théorique de développement de l'avance. Du coup, on peut conserver toujours le même repère fixe comme référence de la mesure, ce qui évite de prolonger les repères existants avec des bouts de tôle, de carton et autres bricolages incertains introduisant des erreurs de mesure plus ou moins grossières.
Si on veut mesurer l’avance à 3 000 t/mn, le même calcul que précédemment nous montre que temps correspondant au défilement d’un degré va passer de 196 à 55,6 µs. Il faut donc une électronique dont la résolution temporelle de mesure et de déclenchement de la lampe à éclats (évidemment les deux latences s’additionnent) ne dépasse pas 15 à 20 µs.
Pas besoin d’être un spécialiste du sujet pour comprendre qu’une électronique assez réactive devra équiper l’outil faute de quoi on va mesurer à peu près n’importe quoi.
Donc avant de commencer quoi que ce soit, il faut interroger ton pote Bristish sur la qualité de son pétard, surtout qu’avec le temps, certains composants électroniques (condensateurs principalement) ont tendance à dériver.
Une autre manip, mais qui était plutôt réservée à la vérification des montages de l’Antiquité (genre rupteur mécanique commandé par 4 cames) était de brancher la sonde sur le fil amenant la HT au distributeur. Sur un 4 cylindres, on a alors un éclat tous les demi-tour et sur un V8, tous les quarts de tour. La manip permettait de vérifier que la gigue (la danse de fréquence comme disent les chébrans) n’était pas trop endiablée, ce qui pouvait arriver en cas d’usure de l’arbre de commande, des cames ou du toucheau actionnant le rupteur.
Bref, on n’en est plus là sur ton moteur mais s’il te venait l’idée de faire monter le régime en ayant instrumenté le fil reliant la bobine à l’allumeur histoire de voir comment répond l’allumage quand la fréquence augmente, le résultat peut être assez surprenant si le pistolet stroboscopique est de piètre qualité.
Autre point :
Ruzgwen a écrit :... mais il dit qu’on doit d’abord régler la voiture avec sa vieille tête de Delco avant de mettre la neuve. Je trouve ça bizarre …
La réponse à cette interrogation se trouve dans ce qui précède : tout, absolument tout ce qui est de nature à retarder l’apparition de la haute tension doit être éliminé. Donc je ne sais pas d’où sort cette étrange idée, mais il faut l’oublier au plus vite.
Il est intéressant d’esquisser une liste de ce qui peut mettre le brin dans la partie HT :
- tête d’allumeur (Delco) fuyarde à la HT. Apparemment, c’était le cas et le problème a été réglé. Espérons-le, du moins ;
- antiparasite du doigt distribuant la HT claqué ;
- fils de bougies fuyant comme des paniers percés ;
- bobine insuffisamment puissante ou partiellement claquée ;
- étage basse tension faiblard ne permettant pas une rupture franche au primaire.
C’est pour éviter la vérification — que je trouve chiante comme la pluie — de toute cette épicerie que je préconise plutôt de travailler directement à l’éclateur.
Par ailleurs, j’ai déjà évoqué le cas particulier des V8 équipés d’un seul allumeur, donc d’une seule bobine : déjà qu’avec une bobine qui pète le feu l’énergie mobilisable chute au-delà de 2 500 à 3 000 t/mn, avec une bobine bas de gamme…
Donc gaffe à la qualité de la bobine.
À cet égard, si ce n’est déjà fait, je t’invite à prendre connaissance de nos échanges avec Clem sur ce sujet
ici.
A l’époque, j’avais mis en ligne quelques oscillogrammes que j’imaginais correspondre assez bien à des moteurs datant de Mathusalem IV comme le V8 du Range.
Voici ce que ça donnait :
L’oscillo est branché sur la HT d’une bougie et le graphe montre l'allure du pic correspondant à la tension d’ionisation. Pour faire court, l’énergie de la bobine va permettre à la tension d’augmenter entre la masse et l’électrode de la bougie (d’où une valeur de tension négative) jusqu’à ce que la résistance du mélange air/essence comprimé (ici, on est à 14 bars environ) finisse par céder devant la tension, provoquant l’amorçage de l’arc et, conséquemment, l’allumage du mélange air essence.
Le pic de tension nécessaire à la « casse » de la résistance de la masse gazeuse comprimée est ici de l’ordre de 16 000 V, ce qui assez faible mais courant sur des moteurs peu poussés, comme l’est probablement le V8 du Range.
La tension se stabilise alors à une valeur beaucoup plus faible : c’est l’étincelage proprement dit.
La montée en tension prend un « certain temps » qui dépend d’un tas de trucs, dont la patate énergétique de l’allumage.
En poussant un peu la résolution temporelle de l’oscillo, on peut se faire une idée un peu plus précise de la trombine de cette patate énergétique. Ici, j’ai supposé que le seuil de détection du stroboscope était d’environ 5 000 V, ce qui aussi un paramètre de qualité important des pétards : c’est la ligne pointillée du graphe (valeur 500 mV sur l’écran de l’oscillo). Il suffit donc de mesurer le laps de temps séparant la courbe située en partie gauche du graphe (allumage au repos, donc tension à peu près nulle) avec le croisement du front de montée en tension au seuil des 5 000 V.
L’ordre de grandeur est de l’ordre de 10 µs, valeur à comparer avec les ordres de grandeurs évoqués supra.
Si le front de montée en tension mollit, la courbe va se coucher vers la droite, d’où augmentation du temps de détection. Mais la base temps est aussi utilisée par le stroboscope pour restituer la valeur de l’avance en degrés, donc plus on aura une HT foireuse au sens où elle va mettre des plombes à grimper, plus le risque d’introduire une erreur dans la mesure de l’avance à l’allumage devient élevé.
Vu le nombre d’incertitudes dans le diagnostic d’une panne comme la tienne, je ne vois pas l’intérêt d’en rajouter d’autres, de surcroît parfaitement évitables.
Bonnes mesures !