cet article a pour but d’apporter une connaissance minimale facilitant un bon usage d’un joint à billes ainsi que son entretien et son contrôle. Il complète également cet article : http://www.landroverfaq.com/viewtopic.php?t=1541
1°) Aspects théoriques
Les joints à billes font partie des joints homocinétiques, dont la définition générale peut être la suivante : on appelle joint homocinétique un système permettant de transmettre un mouvement de rotation, d’un arbre menant à un arbre mené, sans décalage angulaire quel que soit l’angle de brisure entre ces deux arbres et quelle que soit la variation de celui-ci.
De cette définition générique découle une application concrète : le plan bissecteur.
![Image](http://www.landroverfaq.com/albums/Transmissions/036_G.jpg)
Les segments AO et OA’ représentent les arbres. O est le point où les arbres percent le plan bissecteur.
La courbe C représente la courbe dite de conduite du joint (je vais y revenir) qui coupe le plan bissecteur en M. En réalité, sur nos joints à billes, cette courbe de conduite est matérialisée par le fond des pistes du bol et de la noix (cf. définitions ci-après), là où roulent les billes.
Remarque : ce plan bissecteur contient toutes les billes d’un joint. Pour un arbre de transmission comportant deux joints de cardan, le plan bissecteur est situé au milieu de l’arbre lui même. D’où l’importance du positionnement des mâchoires (ou fourches) qui fait actuellement l’objet d’une autre discussion sur le présent forum. Un mauvais positionnement des mâchoires provoque un décalage du plan bissecteur ; la transmission n’est plus homocinétique et des vibrations pouvant entraîner la rupture de l’arbre ou des croisillons (voire de la boîte de transfert) sont à redouter.
![Image](http://www.landroverfaq.com/albums/Transmissions/041_G.jpg)
2°) Fonctionnalités du joint
Sur les transmissions des Land 90, 110 et assimilés, le montage utilisé est un Rzeppa
![Image](http://www.landroverfaq.com/albums/Transmissions/037_G.jpg)
Le bol comporte des pistes dont les axes, qui forment les courbes de conduite du joint, sont régulièrement espacés. Le bol est relié, soit en un seul bloc (90/110 300 Tdi), soit au moyen de cannelures, comme sur les Range V8, à l’arbre entraînant la main meneuse.
La noix joue le même rôle que le bol, mais pour l’autre arbre.
Les billes assurent la liaison entre bol et noix. Elles sont généralement au nombre de 6. C’est l’optimum matière/résistance mécanique.
Et enfin la cage.
Elle assure 4 fonctions totalement distinctes :
a) elle se comporte comme une rotule assurant, en toutes circonstances, la coïncidence des arbres menant et mené,
b) elle assure le positionnement axial correct des arbres, d’où l’importance, sur les 300 Tdi et dérivés, du respect du jeu longitudinal préconisé, à contrôler impérativement lors d’un changement du joint papier sous main meneuse (voir article du Pater sur le remplacement des roulements des moyeux avant),
c) elle reprend le moment fléchissant dû au braquage (voir également article du Pater à ce sujet : http://www.landroverfaq.com/viewtopic.php?t=204 qui en précise la grandeur algébrique). Ce moment fléchissant fait apparaître un effort supplémentaire dans l’arbre reliant le joint à la main meneuse ; c’est ce qui explique que son diamètre soit plus important.
![Image](http://www.landroverfaq.com/albums/Transmissions/043_G.jpg)
Cet effort parasite tend à écraser notre cage entre noix et bol. Ce phénomène est d’importance en cas de lubrification défaillante et j’y reviendrai tout à l’heure.
La planche suivante permet de distinguer la courbe de conduite et la surface de rotulage du bol. La demande en lubrifiant se concentre sur les surfaces de rotulage situées d’une part entre bol et cage et d’autre part entre cage et noix.
![Image](http://www.landroverfaq.com/albums/Transmissions/042_G.jpg)
3°) Cinématique d’un Rzeppa
En théorie, la géométrie des pistes devrait maintenir les billes dans le plan bissecteur. Mais, lors de la construction des premiers Rzeppa, il s’est avéré que billes et cage pouvaient prendre, lors d’un braquage nul ou très faible, une position indéterminée. Il s’ensuivait un blocage du joint lors d’un braquage rapide, donc sa destruction immédiate.
![Image](http://www.landroverfaq.com/albums/Transmissions/044_G.jpg)
Notons simplement que le montage retenu sur nos engins est du type “à commande par les pistes”.
Je passe rapidement sur ces notions qui réclament, pour être assimilées, une certaine habitude de la géométrie en 3 dimensions. Retenons simplement que le positionnement est obtenu, pour les billes situées en A, par l’excentration des courbes de conduite des pistes et pour celles situées en B, par le croisement de ces pistes.
Chaque couple de billes passe, de manière cyclique, sous l’effet du mouvement tournant, de la situation A à la situation B.
![Image](http://www.landroverfaq.com/albums/Transmissions/035_G.jpg)
Pour les plus coriaces d’entre vous, voici deux petites épures à ronger...
Ces épures donnent la géométrie du joint dans le plan des arbres.
![Image](http://www.landroverfaq.com/albums/Transmissions/039_G.jpg)
![Image](http://www.landroverfaq.com/albums/Transmissions/038_G.jpg)
m le centre de la bille
R représente le rayon médian de la cage, R1 et R2 les centres des courbes de conduite de la noix et du bol.
Bien sûr le système, en tournant sur lui même, fait varier deux fois par tour la position de tout ce petit monde entre 0 et l’angle de brisure.
4°) Technologie
Le bol est en acier forgé traité par induction. Les surfaces de rotulage et les pistes sont rectifiées.
La noix est usinée, cémentée, trempée puis rectifiée.
Les duretés des pistes sont supérieures ou égales à 60 HRC (kif kif roulements).
La cage est réalisée par poinçonnage d’une ébauche tubulaire. Elle est cémentée et trempée ; sa résilience (résistance aux chocs) est élevée.
5°) Avaries possibles
Elles auraient, mais cela n’engage que moi, trois origines.
La première est imputable à un dépassement de la résistance structurelle du joint. C’est le cas présenté par Renard Bleu. Tout effort surchargeant l’avant du véhicule (cette notion renvoie au poids porté par le pont avant) telles une reprise d’adhérence, une marche arrière violente (c’est pire encore quand le véhicule a le nez en bas) conduit à ce résultat.
Et ce d’autant plus que l’angle de braquage est important. Car dans ce cas, la poussée au vide exercée par les billes sur la périphérie du bol est importante et se cumule avec l’effort parasite mentionné ci-dessus, qui tend lui aussi à exercer une poussée sur le bol et la noix.
Selon la résistance des pièces, soit le bol éclate, soit la noix se fend.
La démonstration de ce qui précède dépasse le cadre de ce papier ; elle renvoie à la question de la maîtrise correcte par le pilote des transferts de poids entre les essieux. Même si cette observation doit déclencher une polémique, je rappelle ce que j’ai déjà dit par ailleurs à ce sujet : bien que les transmissions des Land soient réputées fragiles comparées à celles des véhicules japonais, il n’existe pas de solution mécanique miracle permettant à un pont avant de résister à tous les efforts possibles et imaginables, en particulier les reprises d’adhérence.
Les solutions techniques adoptées me semblent parfaitement rationnelles et leurs performances dépassent très largement les exigences d’une majorité d’utilisateurs.
C’est donc au pilote d’identifier les situations à risque et de les gérer. Tout, dans la conception des Land, montre que ces véhicules s’adressent par principe à des spécialistes et non à des utilisateurs ignorant tout des subtilités de la conduite en terrain difficile.
La deuxième est imputable à une mauvaise lubrification du joint. La planche ci-après expose l’importance du travail mécanique réalisé par un joint.
![Image](http://www.landroverfaq.com/albums/Transmissions/040_G.jpg)
Une lubrification insuffisante, ou de mauvaise qualité, va provoquer rapidement un échauffement du joint puis son grippage.
Comme on l'a vu tout à l'heure, lors d’un braquage important et sous couple moteur élevé, la cage est coincée entre le bol et la noix par un effort parasite dû au braquage. Si la lubrification est mauvaise, la cage ne va pas pouvoir pas rotuler correctement. Les billes, soumises à la double action de l’excentration et du croisement des axes de pistes, vont alors forcer la cage à basculer. Si celle-ci résiste, elle finit par se rompre par fatigue aux endroits où la poussée est la plus forte.
Donc aux endroits indiqués par Fred.
Ce qui explique qu’un véhicule “jamais TT” (mais surtout jamais entretenu) puisse casser un joint en se garant sur un parking de supermarché...
Plus sérieusement; les véhicules circulant en permanence sur des routes de montagne (pas besoin d’aller chercher du TT hard) dont les joints sont soumis en permanence à des angles de braquage et à des couples élevés, doivent par conséquent faire l’objet d’un entretien soigné.
En ce qui me concerne, je n’ai qu’une confiance toute relative dans les nouveaux montages, dits “graissés à vie”. Je reste fidèle à la 80/90 remplacée tous les 20 à 30 000 km et je considère que la solution adoptée par Land Rover à cette époque pour lubrifier ses joints était de très loin la meilleure. L’évolution a probablement pour but d’alléger l’entretien et de réduire les fuites, très fréquentes avec l’ancien système.
Il suffirait pourtant que les sphères soient protégées de série par des soufflets comme sur les Land Commando...
Pour la petite histoire, notons enfin que la non généralisation des joints à billes sur les arbres de transmission longitudinaux est précisément due à ce problème d’échauffement actuellement encore non résolu. En effet, ce montage fait travailler en permanence les joints sous angle élevé ; la quantité de chaleur dégagée est considérable et le joint ne tient pas en endurance.
Dernière cause d’avarie : un démontage remontage défectueux.
Dans la mesure où le joint comporte 6 billes (géométriquement, deux suffiraient) le joint est dit hyperstatique intérieurement.
Il est donc absolument capital, lors d’un démontage remontage, de repérer minutieusement la position respective de toutes les pièces. Dans le cas contraire, on court le risque de voir le couple moteur se répartir, non pas sur les 6 billes, mais concentré sur deux ou trois. On imagine bien que, dans ces conditions, la fissuration du bol ou de la noix va se produire assez rapidement.
Un contrôle des joints digne de ce nom impose un démontage complet qui seul, permet de diagnostiquer une cage rayée ou ovalisée, des billes ou des pistes marquées et/ou écaillées ainsi qu’une noix ou un bol fissurés.
Enfin, un joint présentant du jeu n’est pas nécessairement à remplacer, tout et autant que ce jeu soit régulièrement réparti.