Les échanges récents ont montré qu'il existe deux dimensions dans ce sujet :
- le ressenti des utilisateurs à propos de tel ou tel matériel, qui n'est autre que le reflet de ce qui leur plaît et/ou de ce qu'ils désirent,
les conséquences de tel ou tel type de différentiel sur la mécanique du 4x4 en général et sur les arbres de roue en particulier.
Le débat sur le premier point est sans fin et finit généralement par faire capoter les échanges, sans parler de l'usage auquel tout un chacun réserve à son véhicule...
Les goûts et les couleurs, comme dirait l'autre...
En revanche, on peut éclairer le second grâce à des paramètres plus objectifs.
Sur la remarque :
f1cpx a écrit :BENNNN...Avec toutes ces restrictions et ces recommandations......es-tu vraiment sûr que cela laisse beaucoup de marge pour son utilisation...?
en réalité, il n'y a rien d'extravagant
car dans la plupart des cas que j'évoque, soit on matraque inutilement la mécanique, soit l'usage du bloc n'apporte rien...
Pour ce qui est des franchissements en 1ère courte, il est des zones dans lesquels les autres rapports courts sont inutilisables ou presque (la boîte auto est un plus effectivement). Tout simplement parce que, pour garder un minimum de vitesse et ne pas descendre trop bas dans les tours, on ne peut plus suivre la moindre trajectoire tellement ça talonne et le véhicule rebondit.
Sauf à avoir des débattements phénoménaux et des amortisseurs adaptés, et encore...
J'ai sorti de mon fouillis deux photos, grandes classiques du genre, pour illustrer le propos.
Vu la rampe moyenne que représente cette marche (environ 30°) pour garder la 2 courte, il faudrait un moteur particulièrement coupleux et une suspension capable d'absorber des marches à angles vifs d'une hauteur pouvant dépasser 40 cm.
Dès qu'on va trop vite avec des suspensions trop raides, la trajectoire part en vrille et ça peut donner ça (bon, je sais, le contre exemple est facile...
). Je n'ai pas l'autre variante qui est la... casquette par l'arrière :
Je vais répondre à la remarque du Pater puis me servir de l'exemple pour situer des ordres de grandeur qu'il me semble nécessaire d'avoir en tête lorsqu'on conduit un véhicule équipés de différentiels spéciaux.
Ce qui suit n'a pas pour objet de calculer à la pine de mouche près les efforts dans la mécanique mais de comparer une situation de référence à des situations nouvelles liées à l'utilisation de différentiels spéciaux.
Hypothèses de calcul :
poids essieu avant : 1 150 DaN
poids essieu arrière : 1045 DaN
coefficient d'adhérence : 1 (effet de crémaillère et ripage axial des pneus négligés)
empattement : 2,36 m
hauteur du centre de gravité : 0,70 m
diamètre critique arbre de roue avant : 24,80 mm
diamètre critique arbre de roue arrière : 26,70 mm
rayon des pneus sous charge : 0,38 m
rendement de la mécanique : 70% (100 N.m de couple moteur produisent 70 N.m de travail effectif)
coefficient de blocage du True Trac arrière : 70%
coefficient de blocage du Detroit : 100%
Pour faire simple, on ne s'occupe ni des effets de la fatigue, ni de ce qui se passe dans les cannelures, ni des effets liés au braquage.
Le Land 90 300 Tdi est supposé gravir en première courte une rampe (montée) de 30° sans aucun croisement de pont. L'effort moteur est supposé compenser strictement l'effet de la pesanteur ; le véhicule conserve donc une vitesse parfaitement régulière. Le bloc central est enclenché et les difs d'essieux sont normaux.
Les contraintes dans les demi arbres valent :
Av : 1 600 bars
Ar : 4 400 bars
et le couple moteur requis représente 55% du couple moteur total.
En deux mots, une rigolade. Pourtant, 30°, c'est déjà significatif, comme rampe, mais bon...
Corsons l'affaire. On suppose notre Land dans la même configuration que la Jeep de la seconde photo. Une roue est en l'air et les trois autres dans le même plan.
Je rappelle ce qui devrait être une évidence pour tous : avec des difs normaux,
le Land ne peut pas occuper cette position ; il va reculer de lui même jusqu'à ce que le croisement se soit suffisamment atténué pour qu'un l'effort de traction apparaisse de nouveau.
Dit autrement, un véhicule ne peut physiquement avoir une roue en l'air
pendant plusieurs secondes comme le montre la photo :
- que s'il est maintenu ainsi au frein (cas de la Jeep de la photo, qui est en attente de treuillage, car elle est coincée dans la marche
pour une raison qu'il serait compliqué de développer maintenant),
que s'il est équipé de différentiels spéciaux.
On suppose maintenant que notre véhicule s'attaque à la marche avec un True Trac à l'arrière :
un effort de l'ordre de 6 000 bars va apparaître furtivement dans le demi arbre relié à la roue la plus chargée. Mais le biais du couple est trop fort et le dif décroche.
Si le véhicule avait assez d'élan, il va passer, surtout qu'il conserve sa motricité plus longtemps qu'avec un dif classique, car le décrochage n'est pas instantané. Si en plus le pilote a pris le soin de mettre un poil de gaz avant le croisement pour bien bloquer son dif...
Mais ne rentrons pas davantage dans le maniement subtil de ces difs.
Je rappelle que c'est le déséquilibre des poids portés par les roues du pont arrière qui génère ce fichu biais de couple. En effet, la roue écrasée au sol va porter environ 950 kg alors que l'autre ne va en reprendre que 280. Par hypothèse, l'adhérence mobilisable étant en rapport avec les poids portés, les couples passés sont également en rapport.
Le pont avant ne passe rien, puisqu'il a une patte en l'air...
Supposons maintenant notre Land équipé d'un Detroit dans son pont arrière.
Ce dif se contrefout du biais du couple, bien au contraire ; dans la marche, il va se donc comporter comme un pur dif à bloc commandé.
Le demi arbre le plus chargé va se prendre 8 500 bars. Le véhicule va passer comme une fleur à l'extrême ralenti puisque le Detroit, contrairement à un True Trac, ne va jamais décrocher.
Mais les efforts dans les demi-arbre arrière commencent à augmenter sérieusement dans cette configuration ; si donc on veut tâter de la zone costaud, il n'est donc pas envisageable de monter un bloc, et par assimilation, un Detroit, avec des 10 cannelures (même avec du 24 genuine, c'est pas gagné, en fait...).
C'est à ce cas de figure (non débrayage du Detroit lors des forts croisements) que je faisais allusion dans mon inter du 11/09 et non à un demi tour à plat sur route (qui va le faire débrayer systématiquement). Autrement dit, plus le couple est biais, plus un Detroit s'accroche à la charge. En TT extrême, il se comporte exactement comme un bloc commandé classique.
Je suis d'accord pour dire que lors d'un virage serré sur route, contrairement à un bloc classique, le Detroit va effectivement libérer un demi arbre et limiter les contraintes, mais jamais lors d'un fort croisement!
Au fait, qu'est-ce que qu'induirait un bloc maintenu en courbe dans les mêmes hypothèses? Autrement dit, de quels efforts parasites et anormaux un Detroit protège-t-il les demi-arbres?
Un virage à plat avec un bloc maintenu enclenché sur route génère dans chaque demi-arbre une contrainte de 5 400 bars.
Boooof...
Contrairement à une idée très répandue, c'est donc le franchissement d'une marche qui est critique avec un bloc, pas un demi tour sur place et à plat.
On va supposer notre Land équipé à présent d'un True Trac derrière et d'un bloc commandé à l'avant :
l'arrière ne va pas entièrement décrocher malgré le fort biais de couple car, quoi qu'il arrive, le bloc avant va inexorablement tirer le véhicule dans la marche,
maintenant son assiette, ce qui est fondamental. Il va y avoir persistance du glissement dans le True Trac, qui va continuer à pousser le 4x4 ;
le bloc avant améliore significativement le fonctionnement du glissement limité arrière.
Les contraintes dans le demi-arbre arrière le plus chargé vont toujours plafonner à 6 000 bars, mais pendant un temps beaucoup plus long. On constate qu'un glissement limité matraque moins les demi-arbres, lors du franchissement de marches comme en virage serré sur zone (à condition de passer sur un filet de gaz). C'est ce qui explique que des 10 cannelures peuvent tenir si le pilote est doux et précis.
Le prix à payer reste une tendance systématique au décrochage (si le pilote coupe ou soulage trop les gaz lors du croisement, le dif décroche, donc on ne peut pas exploiter les micro transferts de poids avec ces difs, ce qui constitue pourtant l'un avantages principaux des blocs qui autorisent une progression par bonds d'un "gratton" de rocher à l'autre) et une fatigue accrue des demi-arbres sur route, car le dif se bloque "pour rien" dans les virages sur route sèche.
Mais tout cela a déjà été dit.
Selon la manière dont le True Trac restera bloqué, les contraintes dans les demi-arbres avant seront comprises dans la fourchette 5 000/5 500 bars, ce qui reste admissible, même pour un 10 cannelures. En outre, on constate que les contraintes dans les demi-arbres s'équilibrent presque dans les deux ponts.
D'où ma réponse : tout en finesse, avec un bloc 10 cannelures à l'avant, c'est jouable. Mais il faut bien sentir sa mécanique pour bloquer le True Trac au bon moment.
Autre point à garder à l'esprit : si le True Trac décroche beaucoup trop vite, le pont avant peut reprendre jusqu'à 40% de l'effort de traction autorisé par l'adhérence. Le risque de voir l'avant du véhicule riper et le véhicule partir en vrille apparaît très élevé...
Donc attention quand la roue avant restant au sol parcourt une zone légèrement en dévers...
Surtout que, contrairement à des blocs classiques, on ne peut pas soulager trop les gaz pour préserver le grip latéral le temps que la roue avant ait franchi la zone délicate, sinon à l'arrière, comme je viens de le dire, ça décroche et là, c'est mort.
Là encore, tout cela nécessite une bonne connaissance des lois physiques régissant le système, sous peine de catastrophes...
Enfin, si l'on est en Detroit derrière et en bloc commandé classique devant, les contraintes deviennent :
Av : 5 000 bars
Ar : 5 600 bars
On constate que la configuration 1 bloc dans chaque pont (on assimile le Detroit à un bloc) est la moins pénalisante pour les demi-arbres.
Allez, un dernier cas, pour la route.
Imaginons que notre Land, équipé d'un Detroit ou d'un bloc dans son pont arrière, franchisse une rampe beaucoup plus faible (15°) mais comportant un maousse croisement.
Changeons maintenant une seule hypothèse : le pilote, après avoir ouvert en grand avant le croisement, maintient l'accélération quand la roue avant est en l'air.
La contrainte dans le demi-arbre arrière le plus sollicité grimpe à ... 11 000 bars. Et le couple moteur requis pour parvenir à ce beau résultat n'est que de ... 70%. En clair, dans des zones très adhérentes où ça croise très fort, avec un seul dif spécial, mais un peu mordant et en première courte, dès que le turbo siffle et qu'une roue commence à décoller du sol, mauvais, mauvais, mauvais!
Pour le fun, elle va atteindre 7 700 bars dans le cas d'un True Trac.
J'invite les forcenés du pied droit à méditer sur ce chiffre.
Eh oui, il n'y a pas que les reprises d'adhérence qui font casser...
Enfin, la hiérarchie proposée par f1cpx correspond effectivement à une progression dans la difficulté.
Mais la combinaison "Glissement Limité AR 24c , Central débloqué, ARB AV10c bloqué" me paraît plutôt devoir être réservée au trial.
Avec ça, tu fais une conversion en fort dévers si, véhicule nez vers le haut et légèrement engagé dans le dévers, tu tires comme un âne sur le frein à main en ouvrant les gaz en grand...
Si tu es en terrain assez glissant, à part le tonneau si ça pivote vite et que ça bute sur une saloperie enchâssée dans le terrain, pas de risque particulier pour la mécanique.
Si tu le fais sur terrain adhérent, ça va forcer inutilement sur le pont avant et sans grand résultat.
Pause!