Africastef a écrit :la ou je l'ai passé, c'est moteur a fond sur un court instant... (j'ai pas vraiment apprécié, mais apparemment c'est la procédure me disait le gars...)
C'est là tout le problème...
La norme NFR 10-025:2016 qui s'applique à la mesure de l'opacité des fumées impose effectivement « une phase d'accélération franche et sans à-coups au régime maximal atteignable ». Autrement dit, atteinte du régime de régulation géré soit par le régulateur mini/maxi des pompes mécaniques, soit électroniquement par les calculateurs d'injection.
L'objectif est de jouer sur l'inertie de l'équipage mobile du moteur afin de faire délivrer par l'équipement d'injection une quantité de combustible suffisamment importante pour en évaluer la qualité de pulvérisation, donc celle de la combustion.
Cette procédure présente évidemment un niveau de risque élevé car en cas de défaillance du système de régulation, le moteur peut subir une avarie importante susceptible d'aller jusqu'à la casse pure et simple. D'ailleurs, du temps des pompes mécaniques, les documentations techniques des constructeurs stipulaient systématiquement, lors de la vérification du régime de régulation directement sur le moteur, de limiter strictement la durée de l'essai à 5 secondes.
Par ailleurs, la plupart des possesseurs de véhicules Diesel, de surcroît plus ou moins kilométrés — je pense d'ailleurs que c'est la règle pour nous tous ici — ne sollicitent quasiment jamais leurs moteurs au-delà de 3 500 t/m. Ce n'est d'ailleurs pas l'esprit des Diesel, très coupleux à bas régime, que d'être cravachés dans les tours. Le moteur se « fait » donc à cet usage relativement pépère et le fait de se faire « taper », de surcroit à vide, constitue évidemment une agression plus ou moins marquée, notamment pour les coussinets de la ligne d'arbre.
J'imagine en effet que, contrairement au gogo moyen, la plupart d'entre nous ne dépose pas son 4x4 sans se préoccuper davantage de ce qui va se passer ; ces véhicules n'ont rien à voir avec un objet de consommation courante et l'attention que nous leur portons tranche très nettement avec le comportement habituel du dit gogo.
Tout ça pour dire que j'ai l'intime conviction que le contrôleur dispose d'une marge d'appréciation assez large quant au risque encouru au regard de ce qu'il perçoit de l'état général du véhicule et aussi de l'agacement de son client qui conteste de manière plus ou moins nette une procédure qu'il estime inutilement agressive pour un moteur qu'il ménage au quotidien.
A partir de là, plusieurs stratégies sont possibles pour les centres de contrôle ; pour avoir assez soigneusement observé leurs pratiques, j'en arrive aux éléments suivants :
en théorie (je n'ai vu qu'un seul centre respecter ceci depuis 1992) il doit être procédé, avant la mesure de l'opacité, à la mesure de la température d'huile du moteur, sachant qu'à moins de 80°C, l'essai ne peut en principe pas se faire. De même, le contrôle du régime de régulation doit être effectué préalablement. Pour l'anecdote, j'avais quitté ce centre car ses opérateurs mentionnaient systématiquement « mesure de l'opacité des fumées impossible en raison d'une défaillance mécanique » (normal, j'avais retouché les réglages de la pompe afin de ramener le régime de régulation à 3 800 t/mn...

). Cela se passait dans les années 94/95, donc avant que les choses se ne compliquent. Mais c'était le milieu rural, avec beaucoup de « paysans » pointilleux, très ferrés en mécanique, habitués aux engins fragiles et capricieux, qui voyaient d'un très mauvais œil des p'tis jeunes en blouse blanche munis d'engins bizarres farfouiller sous le capot de leurs vieilles Pigeot aussi crottées que loyales

;
l'immense majorité des contrôleurs ne s'emmerdent pas avec ça : ils considèrent que le moteur est à température et que le régime de régulation est bon. Pendant des années, j'ai donc passé tous mes moteurs avec un régime de régulation bridé et les centres n'y ont évidemment vu que du feu. Ni dans ce sens (moindre régime) ni dans l'autre (dépassement du régime théorique de régulation) évidemment. Ce qui en dit long sur les coulisses de l'essai et le niveau de risque potentiellement encouru par certains moteurs ;
ce faisant, un moteur vraiment fatigué et/ou une courroie de distribution en fin de vie peuvent sceller le sort de l'essai. Mais je suis persuadé que les casses sont rares et ce d'autant plus qu'avec un peu d'habitude, un contrôleur soit sentir assez vite le point à ne pas dépasser ;
pour les esprits casque-à-boulons, mon objectif n'est pas de faire n'importe quoi et notamment de faire passer des véhicules qui crachent des nuages de merde ; je considère simplement que la procédure qui a été choisie est une solution rapide et pas chère (c'est l'esprit du contrôle technique en Europe et je ne le trouve pas critiquable car il permet de tomber sur l'immense majorité des défauts de toutes nature qui peuvent affecter un véhicule) qui pénalise inutilement les moteurs tout en ne fournissant qu'une vague indication — que je considère notoirement insuffisante pour de multiples raisons — sur la qualité objective du fonctionnement de l'équipement d'injection. Dans la mesure où je ne peux pas aisément me soustraire à la dite procédure, je trouve des voies de contournement que je considère techniquement acceptables et qui consistent à ne pas gaver mes moteurs de produits décrassants dont j'ignore les effets réels, ni à leur tirer sur la gueule plein pot sur autoroute la veille du contrôle. Pour le reste, je contrôle très soigneusement l'état de l'injection, du filtre à air ainsi que l'état général du moteur, ce qui est bien la seule et unique manière de faire en la matière, à part que c'est exigeant en temps et en technicité. C'est aussi pour cette raison que j'ai conservé l'EGR et le catalyseur : je considère qu'il est de ma responsabilité individuelle, citoyenne, éthique, appelons-ça comme on veut, d'assumer entièrement la charge d'entretien que représente ce genre d'équipement, même (et surtout) si la réglementation ne m'impose pas de le faire ;
depuis plusieurs années, je suis fidèle au même centre, car son technicien est d'abord un mécanicien sérieux, qui « sent » la manière dont une mécanique est menée et fait ce qu'il faut pour respecter le client et sa machine. Comme je l'ai expliqué un peu plus haut dans ce sujet, son centre a investi il y a quelques mois dans un tachymètre universel qui lui permet à présent de suivre le régime de l'essai. Il n'empêche que de procéder en voulant préserver les moteurs aboutit à un certain nombre de nuances par rapport à la procédure théorique : la montée en régime ne se faisant pas « pied dedans » puisqu'il limite manuellement le régime maxi du moteur, la charge du système d'injection reste moyenne et l'opacité mesurée est donc plus faible qu'elle ne le serait en suivant la procédure normale. Mais cela n'est pas vraiment un problème puisque l'essai réglementaire aurait conduit à un décrochage des suies accumulées dans la ligne d'échappement au fil du temps, donc à une élévation trompeuse du niveau d'opacité des fumées... En résumé, on se fait confiance tout en prenant, chacun en ce qui nous concerne, nos responsabilités. Il sait que l'état du système d'injection de mon véhicule est impeccable et je sais qu'il compose avec les marges de manœuvre dont il dispose. En résumé, on reste dans les clous et on sait l'un est l'autre que le premier des deux qui jouera au con rompra ce rapport de confiance ce qui nous ramènera au classique jeu du chat et de la souris dont l'époque actuelle est championne toutes catégories, défapage et bidouillages de toutes natures des constructeurs de « Happy Technology » en tête.
Je terminerai le propos en précisant que la seule approche technique digne de ce nom consisterait à effectuer un essai au banc avec mesure de l'opacité et analyse des gaz (qui n'est même pas à l'ordre du jour, ce qui permettrait au moins de vérifier le fonctionnement des EGR). Mais un tel essai, bien que très proche de la réalité, serait très complexe et très long à réaliser, donc beaucoup plus coûteux et, conséquemment, inacceptable socialement.
Aucun intérêt politique de s'engager dans cette voie et ce d'autant plus que les effets psychologiques des annonces successives sur le Diesel ont déjà assez largement fait le ménage. Comme quoi on reste toujours bien incapables de s'attaquer au fond des sujets techniques et que la sorcellerie (pardon Pater pour cette tentative de plagiat) a encore de belles années devant elle...
