Ayant eu a rédiger un certain nombre de mémoires techniques d'un niveau assez consistant, car destinés à être produits devant les juridictions administratives — dont le Conseil d’État — je me permets un seul commentaire : ce document illustre, une fois de plus, l'amateurisme hallucinant et la malhonnêteté caractérisée qui constituent la signature de l'industrie automobile et de tout ce qui gravite autour.
Perso, je me garderai donc bien d'accepter comme argent comptant les conclusions de cette «expertise » et, surtout, de me lancer dans des bidouillages hasardeux dont le Pater pointe gentiment les risques.
Il faut en effet avoir en tête que si le moteur a été modifié, le panel de guignols dont on peut se faire une idée du sérieux en potassant la partie « technique » du jugement, se fera aussi sec le plaisir d'affirmer que c'est la modification du moteur qui est à l'origine de la défaillance, dédouanant ainsi le constructeur.
En l'espèce, aller trop loin dans l'expertise aurait fait courir le risque de mettre en lumière une ou plusieurs erreurs de conception. Et en plus, c'est l'infortuné constructeur qui se serait trouvé dans l'obligation de la financer. Un comble, ce qui, au passage, aurait pu avoir pour conséquence de griller un « expert » qui doit toujours avoir quelques liens avec la profession, car il faut bien vivre.
En l'espèce, il aurait déjà fallu mettre en demeure Ford de fournir à la Justice, aux fins d'analyse, la note de calcul concernant la partie thermique du moteur. Cela aurait constitué un moyen d'investiguer les points rappelés par le Pater, justement.
Et ainsi d'avoir un début de réponse à la question de la modélisation du fonctionnement thermique du moteur avec, en thématique centrale, l'étude hydraulique complète du circuit d'huile (pertes de charge, débits, vitesses en sortie des tuyères de refroidissement des pistons, etc.).
Ensuite, concernant l'injection, en quoi à consisté le contrôle des injecteurs? Un simple passage au banc? Pas suffisant.
Et, toujours sur l'injection, j'adore également le couplet « et à défaut de toute anomalie signalée par l'électronique embarquée ». Depuis quand une interface OBD est-elle apte à fournir les éléments permettant de conduire une analyse de haut niveau?
Le fait que ce soit toujours les mêmes pistons qui lâchent n'est pas cohérent avec la seule question du refroidissement, qui, logiquement, devrait concerner tous les pistons, presque de manière aléatoire.
Disons que ce jugement va calmer des plaignants plus couillus que la moyenne.
Pour s'en convaincre, il suffit de parcourir la liste des doléances et autres dommages collatéraux, chiffrée avec une précision et une exhaustivité d'épicier qu'on aurait bien aimé voir reconduites pour la partie technique.
En d'autres termes, jeter à nos deux clampins le nonos qu'ils demandent tout en limitant les frais d'expertise coûtera toujours moins cher à la communauté automobile que de clouer un constructeur d'envergure mondiale au terme d'une procédure d'expertise approfondie qui aurait (je parle délibérément au conditionnel, car le problème est bien que la lumière technique reste à faire sur les défaillances de ce moteur) pu révéler une forme d'incompétence ou de choix maladroits, ouvrant alors un abîme financier pour le constructeur.
Pour se consoler, gageons que demain, l'Intelligence artificielle nous concoctera en deux coulées gros des rapports techniques totalement bidons et richement argumentés, en un mot plus vrais que vrais!
