Quelques éléments complémentaires, alors…
Les moteurs Diesel à injection indirecte ont dominé sans partage le monde des Diesel routiers de petite à moyenne cylindrée jusqu’au début des années 90. A partir de cette date, quelques constructeurs, dont Land Rover avec le 200 Tdi, ont basculé dans le monde de l’injection directe, jusqu’alors réservé aux moteurs industriels de forte puissance (camions, tracteurs, engins de TP, etc.).
La particularité des moteurs à injection indirecte est de posséder une chambre de turbulence. Les dispositions constructives (implantation, matériau) sont très diverses selon les constructeurs ; quoi qu’il en soit, son objectif est d’assurer une dispersion la plus complète possible des gouttelettes de combustible au sein de la masse d’air présente dans le cylindre.
Ce procédé était relativement efficace et avait l’avantage de se satisfaire de pressions d’injection relativement modérées, généralement comprises entre 130 et 150 bars.
Cette chambre n’existe pas dans les moteurs à injection directe ; la dispersion est obtenue par l’énergie cinétique des gouttelettes de combustible, d’autant plus élevée que la pression d’injection est forte. C’est ce qui explique que les pressions d’injection ont toujours été plus élevées dans ces moteurs, y compris avec des pompes distributrices de type Bosch VE.
Les moteurs Land d’ancienne génération (2 litres ¼ et 2,5 litres) et nombre d’autres faisaient appel à une chambre fabriquée par la société Ricardo répondant au nom de Comet. La planche suivante montre à quoi ressemble cette pièce rapportée (de teinte rosée sur le schéma) et — on va le voir un peu plus tard — amovible :
Son fonctionnement est très simple : lorsque le piston remonte, il force l’air à pénétrer dans la chambre. Un tourbillon très intense se forme alors en même temps que la température s’élève sous l’effet de la compression. Lorsque l’injecteur s’ouvre, le panache est laminé par le tourbillon de l’air et la combustion, très riche puisque la totalité de l’air n’est pas encore entrée dans la chambre, s’amorce :
Sous l’effet de la combustion, la pression au sein de la masse gazeuse augmente ; les gaz brûlants ressortent alors de la chambre et communiquent leur énergie au piston.
On observera qu’une combustion plutôt riche à son amorçage avait pour effet de réduire les oxydes d’azote, ce qui n’est pas le cas de l’injection directe. L’expérience montre également que des injecteurs qui commencent à fatiguer ne perturbent qu’à la marge (faut pas exagérer quand même

) la qualité de la combustion et que le risque de percer un piston avec un tel système est très réduit, ce qui n’est pas vraiment le cas avec les injections directes, surtout avec les techniques actuelles qui maintiennent une pression d’injection permanente au cul des injecteurs.
Le fonctionnement de ces moteurs était très souple et relativement silencieux ; il aura fallu attendre la débauche technologique rendue possible par la gestion électronique pour dépasser leurs performances en termes de souplesse et de silence.
Perso, j’aimais bien cette technique, élégante dans son principe, qui faisait appel à des organes dont les conditions de fonctionnement étaient relativement peinardes. C’est grâce à elle que les Diesel ont acquis la réputation de robustesse — et de relative mollesse

— qui était la leur jusqu’à une période relativement récente.
Leur rendement était un peu plus faible (15% en moyenne) que celui des injections directes : la majorité des pertes provient évidemment des frottements au sein de la masse gazeuse quand elle rentre puis ressort de la chambre…
Dans la gamme Ricardo Comet, on trouvait notamment cette chambre montée sur les moteurs Renault que j’ai ressortie de mon bordel, car elle illustre mieux la forme exacte aménagée dans la culasse :
Contrairement à la chambre montée dans la culasse de ton 4x4, qui ressemble à celle de la première planche, elle délimite un volume quasiment fermé. Mais la Comet ne porte dans la culasse que par ses portées rectifiées. Cela dit, même avec ce montage, il est toujours possible de retoucher le volume de la chambre par enlèvement de l’aluminium ou de la fonte de la culasse.
Issue d’un moteur de 1 600 cm³ (le F8M 730) elle peut sembler de petite taille :
C’est évidemment un organe très sollicité qui nécessite une surveillance particulière ; j’y reviendrai.
On conçoit que toute opération de surfaçage/rectification de la culasse a un impact immédiat sur le volume de cette chambre ; pour avoir réalisé des interventions diverses et variées sur un certain nombre de culasses, j’avais en tête qu’une rectification d’un dixième de millimètre, ce qui est généralement la norme, réduit le volume de la chambre de 0,5% environ, ce qui est n’est pas négligeable.
Vu les valeurs de compression que tu indiques, il est probable que ta culasse ait fait l’objet d’un surfaçage de plusieurs dixièmes, ce qui est sévère.
Pour couper court aux dysfonctionnements qu’une modification aussi radicale du régime thermodynamique peut provoquer dans le fonctionnement des moteurs, les constructeurs interdisent évidemment les rectifications. Les ateliers spécialisés leur emboîtent généralement le pas pour des questions évidentes de responsabilité.
Pour autant, on peut trouver une voie intermédiaire, dans laquelle chacun prend sa part de responsabilité. Le tout est de bien comprendre ce que l’on fait…
Tout d’abord, une culasse qui a pris un coup de chaud se déforme d’une manière particulière ; en général et pour faire simple, elle prend la forme d’une banane.
Cela signifie que l’atelier spécialisé va opter pour une cote intermédiaire d’enlèvement de matière qui va faire rentrer la culasse dans les tolérances de planéité, mais qui va mécaniquement aboutir à des volumes de chambres tous différents.
Il est donc important de procéder à une bonne métrologie préalable permettant de caler cette cote : cela va déjà permettre de se faire une idée de la manière dont les volumes de chambre vont varier.
Ensuite, il faut relever les volumes de chambre
avant rectification.
Le principe de base est celui-ci :
Bien que tiré d’une manip faite sur un essence, le principe est le même, à part qu’on doit faire appel à une plaque de verre ou de plexiglass de petites dimensions qui s’adapte à
UNE seule chambre (sinon le gauchissement de la culasse va introduire une erreur de mesure) : après avoir équipé la culasse de ses injecteurs, bougies de préchauffage et chambre Ricardo et appliqué une fine couche de graisse sur le socle des chambres pour faire étanchéité, on mesure le volume de
chaque chambre en y versant de l’huile fluide jusqu’à ce que le niveau se fasse avec la plaque.
Le calage à l’horizontale de la culasse est déterminant car aucune bulle d’air ne doit subsister.
En principe, les volumes sont tous égaux.
Présenté différemment (toujours sur un essence) le principe de mesure avec une plaque par chambre est le suivant, sachant que le liquide doit faire niveau avec le canal de la chambre :
Avec un peu de soin, on approche le mm³...
Après rectification, on recommence les mesures.
J’ai en tête des valeurs à retoucher pouvant varier dans une fourchette comprise entre 50 et 150 mm³ ; ces chiffres représentent la diminution du volume des chambres imputable à la rectification.
Dans le cas qui te concerne, si j’ai bien compris, tu ne disposes pas de ces infos. Il faut donc refaire la manip inverse, ce qui est un peu moins simple.
À supposer que tu veuilles te lancer dans des travaux lourds, au premier rang desquels figure le déculassage, lequel te permettrait déjà de lever le doute sur l’éventuel gauchissage d’une bielle en mesurant les cotes de tous les pistons par rapport au plan de joint de culasse…
Si tel devait être le cas, le principe est de repartir du rapport volumétrique du moteur afin de recalculer le volume théorique de la préchambre.
Ce rapport est le quotient (division) des termes A et B suivants :
- A = volume de la chambre + volume correspondant à l’épaisseur du joint de culasse
B = volume du cylindre + volume correspondant à l’épaisseur du joint de culasse + volume de la chambre
Après rectification, on trouve évidemment un volume de chambre déficitaire : c’est là où les choses deviennent un peu plus délicates.
L’enlèvement de matière doit se faire sur les zones en vert :
Je procède avec une petite meuleuse électrique : l’expérience montre qu’il suffit généralement de retirer deux ou trois dixièmes. Cela ne fragilise pas la culasse, mais c’est épouvantablement long si on veut approcher le volume théorique, car il faut déposer les injecteurs, les bougies, la chambre, meuler, puis nettoyer, remonter, remesurer et ça, un certain nombre de fois, car si on commet l’erreur d’enlever trop de matière, hé bé c'est mort, évidemment…
Perso, je me charge de la métrologie amont afin de discuter avec le gars qui tient la machine-outil de la cote de rectification la plus opportune. Et aussi de tout le reste, car il y en a pour des plombes…
Vu la minutie du boulot, on comprend très rapidement pourquoi personne ne se prend la tête avec ça

! Mais sur un forum comme celui-là, je considère que mes délires peuvent trouver leur place...
En tout cas, c’est faisable, et le résultat est à la mesure du temps passé.
Pendant qu’on en est à la rubrique des

, voyons la question de la vérification des chambres.
Leurs conditions de service étant épouvantables (chocs thermiques à répétition et ce d’autant plus que cette partie de la culasse est volontairement moins refroidie que le reste) les chambres finissent par fatiguer :
Les fissures partent systématiquement de cet endroit. Et s’accompagnent d’une déformation de leurs lèvres ainsi que le montre le même cliché, pris en lumière rasante, d’une chambre accusant 310 000 km compteur :
La photo suivante montre, en vert, l’emprunte laissée par la bague pare-flamme du joint de culasse.
La pression exercée par le joint de culasse à cet endroit est intense ; non seulement elle parvient à marquer l’acier, mais elle provoque un léger basculement de la chambre (par fluage de l’aluminium de la culasse) dont les cotes d’affleurement par rapport au plan de joint peuvent passer hors tolérances. Si tel est le cas, il faut voir avec l’atelier ce qu’ils en pensent. Certaines chambres sont fournies et cotes majorées afin de permettre le réusinage de leur face d’appui dans la culasse. Dans d’autres cas, il faut rectifier la culasse uniquement pour cette raison.
Avec une culasse en fonte comme la tienne, ce problème est beaucoup moins fréquent. Mais il faut quand même le garder à l’esprit, car un effleurement non conforme peut avoir une influence sur la durée de vie du joint de culasse.
Ceux qui vont jusqu’à la fin du film ne sont en général pas déçus : un morceau d’acier de la chambre finit par se décrocher, entraînant une casse moteur instantanée. Noter que l'origine exacte de cette avarie reste assez souvent ignorée, les gens étant persuadés, au vu des dégâts, qu’elle résulte d'une rupture de la courroie de distribution…
Land Rover est l’un des seuls constructeurs à rappeler les règles de l’art en la matière, qui rejoint ce que j’ai toujours entendu de la part des maniaques qui m’ont transféré une partie de leurs connaissances : une fissure dont la longueur dépasse dix à quinze millimètres entraîne
impérativement le remplacement de la totalité des chambres.
Voili, voilu.